A la fin de sa vie, mon papa ne pouvait plus facilement quitter sa maison, alors ma mère lui avait suggéré de regarder le culte à la télé. Et ces derniers mois où nous étions confinés, nombreux sans doute avons-nous été à être comme des vieillards, condamnés à ne plus fréquenter le temple, et à regarder le culte à la télé, ou sur notre ordinateur (et j’espère que vous avez été nombreux à suivre ce que nous vous avons préparé, mes collègues et moi, dimanche après dimanche, parce que personne n’aime travailler pour rien !).
Dans ces temps de déconfinement progressif et difficile, où un grand nombre de paroisses soucieuses de respecter les règles sanitaires établies par le CACPE, l’organe représentatif du culte protestant, préfèrent ne pas reprendre les cultes tout de suite tellement ces mesures sont lourdes, nous continuons ces cultes en ligne. Un PDF à lire, une vidéo à…. Regarder. Comme cette expression est mal choisie ! Regarder un culte. Comme on regarderait un match de foot…
Peut-être que cette démarche de se placer en spectateur face au culte a du sens pour des non-croyants, qui seraient curieux de découvrir notre foi en écoutant une prédication, comme j’ai pu le faire pendant le confinement en regardant les vidéos de mon voisin Imam… Mais pour un.e protestant.e, il ne s’agit pas de regarder le culte, mais de le vivre ! L’assemblée du dimanche est un assemblée priante, qui loue l’Eternel et se nourrit de la Parole de grâce qui lui est adressée à travers la lecture et le commentaire de l’Evangile. On ne vient pas pour regarder et pour entendre, on vient pour vivre, ensemble une relation à Dieu. C’est une démarche qui engage, et qui est appelée à nous transformer, normalement, si tout se passe bien, pour nous rendre un peu meilleurs, un peu plus apaisés, un peu plus ajustés, un peu plus aimants, un peu plus joyeux.
Peut-être que regarder le culte peut faire cet effet-là, et je l’espère sincèrement pour les personnes qui ne peuvent plus se déplacer et doivent se contenter de retransmissions, … Mais cela ne peut faire cet effet vivifiant que parce qu’on est dans la démarche de foi de vivre le culte, même si c’est devant un écran, et non pas seulement d’y assister, comme on assisterait à des événements, une scène, extérieurs à soi. Et peut-être arrive-t-il aussi malheureusement que des personnes se rendent au temple dans un état d’esprit « consommateur », oubliant que la liturgie, et toute la célébration, sont un culte rendu collectivement à Dieu par l’assemblée, et non quelque chose que le pasteur ferait et qu’il suffirait de suivre passivement.
Mais pourquoi faire ça ? Pourquoi venir au temple si ce n’est pas pour participer activement, de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force et de toute son intelligence, à la prière ? En tout cas, rien n’oblige à venir chaque dimanche au temple ! Comme le remarquait ma collègue Marie-Pierre Tonnon à propos de la reprise des service religieux, nous n’avons pas la même conception des choses que nos frères et sœurs catholiques : « Le Seigneur nous invite à le rejoindre, mais nous avons cette chance protestante de pouvoir le rejoindre dans l’intimité de nos foyers : il n’y a pas d’obligation à se rassembler, mais un choix libre et responsable. »
Cela est d’autant plus vrai que notre maître, Jésus le Christ, était lui-même un fervent adepte de la prière solitaire, du seul à seul du cœur avec Dieu. « Quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. »
Bien sûr, Jésus n’a pas négligé l’aspect communautaire. Il fréquentait la synagogue. Il a recommandé à ses disciples de faire ensemble certains gestes en souvenir de lui… On songe aux passages bibliques instituant la Sainte cène et le baptême.
Mais quand il donne des conseils sur la prière, Jésus parle de la richesse de se mettre à l’écart, de se retirer, au calme, pour prier seul, être avec le Père… En fait, aux disciples qui cherchent un chemin, il partage la richesse de ce qu’il a expérimenté lui-même ! Témoins de cela, deux petits versets parmi d’autres :
Marc 1,35 « Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert ; là, il priait. »
Luc 6, « En ces jours-là, Jésus s’en alla dans la montagne pour prier et il passa la nuit à prier Dieu. »
Au fond, qu’il y ait confinement ou déconfinement, culte ou pas culte, voilà une chose que nous ne devons et ne pouvons pas perdre de vue : la prière individuelle, seul à seul avec l’Eternité qui demeure en nous, et en qui nous pouvons demeurer.
Françoise Nimal, pasteure de Verviers-Hodimont
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